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Six ans de patience, frustration et leçons : comment Lewis Hamilton est redevenu le meilleur

Stéphane Vrignaud

Mis à jour 24/11/2014 à 19:14 GMT+1

Champion du monde en 2008 à seulement à 23 ans, Lewis Hamilton a ensuite connu des saisons plus difficiles qui lui ont chacune apporté quelque chose. Pour le moment venu dérouler une année quasi parfaite. Voici comment.

Lewis Hamilton (Mercedes) tente de cacher son émotion après sa victoire à Abou Dabi

Crédit: AFP

2007 : l'apprentissage de la Formule 1 et de la guerre

Lewis Hamilton est le débutant qui ne doit pas faire de l'ombre à Fernando Alonso, double champion du monde subtilisé à Renault. Très vite, son statut de pur produit McLaren, protégé de Ron Dennis, donne du grain à moudre à l'Espagnol, qui utilise les medias à des fins déstabilisantes. "Depuis le début, je ne suis pas du tout à l'aise. Je suis avec un coéquipier anglais qui marche très bien, dans une équipe anglaise, et nous savons que tout l'appui de l'équipe et toutes les aides sont pour lui", maugrée "Nando" juste après la première victoire du rookie en F1, au Canada. La vérité est qu'il ne s'attendait pas à ça. La cohabitation va tourner à l'affrontement, à la guerre jusqu'au summun du Grand Prix de Hongrie où il refuse une consigne de McLaren favorisant Alonso, qui l'empêche en retour d'accomplir son tour chrono en qualification.
En un après-midi, le Britannique s'affranchit du respect voué au boss, son mentor depuis dix ans, et lui fait savoir vertement à la radio. Il s'en excuse ensuite auprès de son patron - "Ron m'a donné une leçon" - et des employés mais le mal est fait : il vient de se mettre à dos une partie de l'équipe. Côté media, il apprend aussi à mentir : sa version de l'incident n'est pas crédible et il s'étonne de la réaction de son coéquipier...
Mais la chance passe par là : Alonso veut partir, donne à la FIA les preuves du scandale d'espionnage au détriment de Ferrari et l'équipe se range derrière lui. L'aveuglement anti-Alonso le précipite dans l'erreur au Grand Prix de Chine, ce qui lui coûtera le titre. Encore une leçon.
Ce qui lui a servi pour 2014 : comment vivre une cohabitation à couteaux tirés. Supporter les coups pas toujours loyaux et y répondre.
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Fernando Alonso et Lewis Hamilton (McLaren) au Grand Prix du Brésil 2007

Crédit: AFP

2008 : la consécration à 23 ans

Fernando Alonso retourné chez Renault, son remplaçant Heikki Kovalainen n'est qu'un faire-valoir. Mais l'aspirant champion persiste dans ses étourderies, au Canada notamment où il percute Kimi Räikkönen (Ferrari) dans la pit lane. Décidemment pas très populaire, il poursuit sa lutte contre Felipe Massa (Ferrari), commet quand même beaucoup moins d'erreurs et gère sa place de n°1 mondial. Au point de ne remporter qu'un seul des huit derniers grands prix. Sa réputation de pilote qui ne baisse jamais les bras est faite : il a repris le titre des mains du Brésilien dans le dernier tour à Sao Paulo.
Ce qui lui a servi pour 2014 : savoir gérer les temps forts et les temps faibles d'un Championnat.
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Lewis Hamilton (McLaren) champion du monde au Grand Prix du Brésil 2008

Crédit: Imago

2009 : crescendo

Ça commence mal et il n'est pas responsable : la MP4-24 affiche un cruel déficit d'appuis et il se retrouve qualifié 13e au Grand Prix d'Australie, à plus d'une seconde des Brawn. Ça commence mal et il est responsable : arrivé quatrième, il produit à la demande de Dave Ryan, le directeur sportif de McLaren, un témoignage prétendant que Jarno Trulli (Toyota) l'a doublé sous drapeau jaune. Confondant de bêtise et disqualifiant…
Mais il garde de la ressource et s'avère un précieux facteur de motivation pour une équipe qu'il ne manque jamais de remercier, même à l'occasion des progrès les plus infimes. Patient, impliqué, appliqué, il aide son équipe à redresser la barre et gagner la 10e manche, en Hongrie. Il met sa voiture en pole position au Grand Prix d'Europe, en Italie où on voit toute sa détermination en chasse de Jenson Button (Brawn) pour une improbable deuxième place, qui se termine par un violent crash.
Fin de saison ascensionnelle : pole position et victoire à Singapour, pole position et leadership interrompu par une défaillance de freins à Abou Dabi.
Ce qui lui a servi pour 2014 : une saison de galère qui lui a appris la patience et permis de travailler sa palette technique.

2010 : avec Button, la belle équipe

Une collaboration sans histoire avec Jenson Button, champion du monde en titre et remplaçant d'Heikki Kovalainen, même si les deux Britanniques ne vont pas au-delà de relations professionnelles consciencieuses. C'est en tous les cas la première année où Hamilton travaille avec une pointure en bonne intelligence. Il retombe à l'occasion dans les polémiques en changeant de ligne plusieurs fois devant Vitaly Petrov (Renault) en Malaisie. Mais le so British commissaire Johnny Herbert est là pour l'excuser.
Il gagne en Turquie et au Canada, d'où il repart n°1 mondial. Mais ça ne va pas durer. Lors de la dernière course, à Abou Dabi, ses chances de remporter le titre ne sont que purement mathématiques.
Ce qui lui a servi pour 2014 : les avantages d'une collaboration loyale avec un grand coéquipier.

2011 : une saison à l'envers

Lewis Hamilton vit une relation chaotique avec sa compagne, la chanteuse Nico Schwerzinger, et laisse ses sentiments déborder en piste au rythme des fluctuations de son cœur, ses espoirs et ses peines. Ça lui arrive de se faire bousculer (par Alonso en Malaisie) mais c'est le plus souvent lui qui mène des actions déconcertantes. Il percute Felipe Massa (Ferrari) et Pastor Maldonado (Williams) à Monaco, est sanctionné pour ça et retombe dans ses travers en demandant si les commissaires ne sont pas racistes ("C'est parce que je suis noir"). La blague ne fait pas rigoler les fédéraux et Jean Todt fait planer une suspension de 6 meetings, levée contre de plates excuses. Il accroche Mark Webber (Red Bull) au Canada, Kamui Kobayashi (Sauber) en Belgique, se frictionne avec Massa à Singapour, en Inde… Ça frôle parfois le n'importe quoi et il est temps que ça se termine. Pour la première fois, son coéquipier finit mieux classé au Championnat. Une leçon, là encore.
Ce qui lui a servi pour 2014 : réaliser l'importance de séparer dans sa tête affaires privées et activité professionnelle.
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Lewis Hamilton (McLaren) au Grand Prix d'Europe 2011

Crédit: McLaren

2012 : la lassitude

McLaren perd le fil et ça le lasse. Retard au stand en Malaisie, défaillance de boîte de vitesses et rétrogradation en Chine, disqualification le samedi en Espagne : les problèmes s'enchaînent au milieu des abandons et des exploits mêlés (notamment sa victoire au Canada). C'en est trop. Après un nouvel abandon à Singapour, alors qu'il était en tête, il est prêt à écouter le discours de Niki Lauda, conseiller-recruteur pour Mercedes. A Abou Dabi, il mène encore lorsqu'il est trahi par sa mécanique…
Ce qui lui a servi pour 2014 : la confiance jamais démentie de Niki Lauda.
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Lewis Hamilton (McLaren) au Grand Prix d'Allemagne 2012

Crédit: McLaren

2013 : un nouveau défi

Il arrive chez Mercedes où Nico Rosberg est chez lui depuis déjà trois saisons. L'Allemand a fait gagner l'année précédente la marque (en Chine) pour la première fois depuis son retour mais il ne tarde pas à justifier son recrutement en offrant une victoire en Hongrie. La W04 subit elle aussi la loi de la Red Bull mais le statut d'écurie challenger entretient une bonne ambiance entre des coéquipiers qui se connaissent depuis leur saison de kart, en 1997. Une petite boulette quand même : en parlant à Sebastian Vettel (Red Bull), il évente sans faire exprès un test secret à Montmelo, provoquant un pataquès.
Ce qui lui a servi pour 2014 : connaître les rouages de l'écurie.
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Lewis Hamilton (Mercedes) en tests de pré-saison à Montmelo en 2013

Crédit: Daimler AG

2014 : Flèche d'or

La W05 est quasi imbattable et Lewis Hamilton truste les victoires avec son coéquipier allemand. D’abord dans une ambiance respectueuse. Ses quatre succès de rang font sûrement mal à Nico Rosberg qui durcit le vocabulaire puis le combat, joue d’une ambiguïté insupportable aux yeux du Britannique en Q3 à Monaco. En d’autres temps, il aurait perdu ses moyens mais il juge que la piste est le seul endroit pour riposter, asséner sa vérité, le plus loyalement possible. Quelques provocations passent par là (il souligne que sa ville natale de Stevenage ne ressemble pas à Monaco où a grandi son rival, estime Rosberg plus monégasque qu’allemand…) mais ne dévie pas de sa trajectoire. Spa-Francorchamps lui donne définitivement le beau rôle et il appuie là où ça fait mal... Sur l’accélérateur aussi, cinq fois de suite pour autant de victoires. Il est plus fort mentalement et ça se voit une dernière fois à Abou Dabi, où il bondit au départ devant son coéquipier pour une dernière touche de panache.
Infographie : Ecarts entre deux titres mondiaux
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