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Retraite Henry : Pourquoi, en Angleterre plus qu'ailleurs, la carrière d'Henry ne fait pas débat

Philippe Auclair

Mis à jour 18/12/2014 à 19:42 GMT+1

Philippe Auclair nous en dit plus sur l'aura de Thierry Henry en Angleterre. Outre-Manche, l'attaquant français est tout simplement considéré comme l'égal des plus grands.

Pourquoi, en Angleterre plus qu'ailleurs, la carrière d'Henry ne fait pas débat (Philippe Auclair)

Crédit: Eurosport

Le temps des élections approche au Royaume-Uni. Mais le sondage à la mode depuis ce mardi ne concerne ni les travaillistes, ni les conservateurs, ni les xénophobes du UKIP. La BBC, le Guardian, le Daily Mirror, goal.com (et j’en oublie sans doute dans cette liste) ont tous posé la même question: "Thierry Henry est-il le plus grand joueur de l’ère de la Premier League?" Les scrutins ne sont encore pas tous clos à l’heure où j’écris ces lignes, mais la réponse, d’évidence, sera un ‘oui’ franc et massif. Le frais retraité des New York Red Bulls et futur consultant vedette de Sky Sports avait recueilli 60% des suffrages auprès des lecteurs du Mirror – et 11% de plus auprès de ceux du Guardian.
De quoi faire crever de jalousie David Cameron. De quoi se demander, aussi, si c’est en cédant à la sentimentalité ou en exprimant une vraie conviction que le public anglais s’est mis d’accord, quasi-unanimement, autour d’un joueur avec lequel le public français entretient une relation beaucoup plus ambigüe. Cette "ère de la Premier League", pour artificielle qu’elle soit, a tout de même aussi été celle de Ryan Giggs, Alan Shearer (260 buts marqués dans cette compétition contre 175 pour Henry, ce qui place le Français au 43e rang des meilleurs buteurs du championnat d’Angleterre depuis sa création), Gianfranco Zola, Dennis Bergkamp, Eric Cantona, Wayne Rooney, Cristiano Ronaldo, etc, etc, etc.

L'Angleterre, son pays d'adoption

Que Henry soit préféré à ceux-là n’est ni une surprise, ni une injustice, au vu de ce qu’il a accompli avec la plus grande équipe de l’histoire d’Arsenal – qu’il a "servie comme un roi quand elle-même régnait", pour reprendre les mots d’Oliver Kay dans le Times de ce mercredi. Il peut regarder la concurrence de haut - du sommet d’un Everest de trophées, de records et de récompenses individuelles qu’aucun de ceux qu’il a cotoyés sur les terrains anglais n’a gravi ou ne gravira comme lui. Obsédé par sa place dans l’histoire, statufié de son vivant, dévoreur de chiffres et de statistiques qui, selon lui, doivent clouer le bec à ceux qui douteraient de son statut, Henry est aussi profondément aimé dans son pays d’adoption (le mot juste, pour une fois). Malgré la double main de 2009. Malgré Knysna, un incident qui demeure incompréhensible de l'autre côté de la Manche. Les Britanniques saisissent mal pourquoi le footballeur, qui était demeuré silencieux à l’arrière du bus of shame, a été si critiqué en France.
Oui, aimé. Henry n’est pourtant pas un homme facile à aimer comme on aime un Zola ou on a aimé un Best. Il peut paraître hautain, se montrer cassant, être conduit par son hypersensibilité à ne plus faire la part entre ceux qui le questionnent en toute bonne foi et ceux qui ont pour intention de lui nuire – et il y en a eu, ne l’oublions pas. On lui a reproché sa froideur, son manque de ‘naturel’. Mais qu’est-ce qui est ‘naturel’ pour Henry? C’est sa haine de l’échec. C’est la dureté avec laquelle il juge ses propres performances, ce en quoi il est bien le fils de son père Tony, qui l’a soutenu de toutes ses forces tout au long de ses premières années de footballeur, mais l’a aussi fait souffrir.
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Arsenal's Thierry Henry (L) celebrates his goal against Manchester United with manager Arsene Wenger

Crédit: Reuters

L'ovation des fans de Portsmouth

C’est l’intensité avec laquelle il a toujours cherché à être le meilleur, dans les ‘parties-pizzas’ des Ulis, à Clairefontaine, en équipe de France, avec Arsenal, et, jusqu’au bout, avec les Red Bulls. Peut-être que la France a du mal à reconnaître un des siens dans un sportif pour qui tout fut subordonné au désir dévorant de réussir. L’Angleterre? Non. Je ne parle pas seulement des supporters des Gunners qui l’avaient élu meilleur joueur de l’histoire du club, mais de toute l’Angleterre, à l’image de ces fans de Portsmouth qui, un soir que Henry n’a jamais oublié, avaient fait une ovation au buteur qui avait martyrisé leur équipe toute une nuit durant. Et cet amour, TH14 le leur rend bien.
Il ne faut pas oublier non plus, pour comprendre le statut si particulier du buteur-recordman d’Arsenal et de l’équipe de France en Angleterre, qu’il est sans doute le seul joueur dont ce pays puisse affirmer qu’il fut le meilleur du monde alors qu’il évoluait sur ses terrains. C’est entre 2002 et 2004 qu’il atteignit son sommet, avec Arsenal si ce n’est avec les Bleus. Il aurait fait un bien beau lauréat du Ballon d’or durant cette période, aussi beau que Nedved ou Chevtchenko, sans le moindre doute. Et ce Titi-là était "à nous", malgré les approches constantes du Real Madrid, entre autres grands clubs européens.

Avec lui, le meilleur joueur du monde joue en Premier League

Le fait que la Premier League jouissait et jouisse toujours d’une assise financière enviable ne l’a pas empêchée de perdre Cristiano Ronaldo et Gareth Bale. Henry, lui, est resté, et ce n’est que lorsque ses forces ont commencé à décliner qu’il a rejoint Barcelone. En cela, il est unique dans l’histoire de la Premier League. Pour cela, le public anglais lui réserve une place à part dans ses affections. Londres ne fut jamais la ville d’un exil pour lui. L’étranger y trouva son home, y fonda sa famille, y est revenu comme chez lui au terme de son aventure américaine.
Ceux qui lui reprochent d’avoir tourné le dos à sa patrie (et j’en ai entendu quelques-uns) ne se rendent pas compte à quel point il fut et demeure un magnifique ambassadeur pour elle. Il n’a jamais renié sa "francitude"; il l’a même exploitée avec beaucoup d’astuce, projetant l’image flatteuse d’une France jeune, épanouie, talentueuse que son public anglais a gobée sans se poser trop de questions. Pas mal pour un gamin d’origine antillaise issu de la grande banlieue de Paris, non? Est-ce qu’on lui en voudrait d’avoir tant réussi, avec un tel panache, jusqu’à son improbable comeback à l’Emirates d’il y a presque trois ans ? Voilà bien une question qu’on ne se posera jamais ici.
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Henry Arsenal

Crédit: Reuters

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